MÉDIATION EN ÉTABLISSEMENT DE SANTÉ : OÙ EN EST-ON ?

by | 3 Apr 2019 | Médiation, Formation

La médiation en établissement de santé a été instaurée en 2002, renforcée en 2016, dans le contexte général de développement de la médiation … où en est-elle ? 

Nous parlerons ici de la médiation s’intéressant aux litiges et conflits entre patients (ou familles) et les institutions et professionnels de santé. 

Instaurée par la Loi de 2002, ces 17 années d’existence, auraient pu lui donner une force et une légitimité utiles aux autres champs de la médiation …Las, force est de constater que ce qui aurait pu être un atout (être un des premiers terrains de la mise en place de la médiation), n’a finalement pas tenu toutes ses promesses.

A cela différentes raisons, que notre pratique régulière dans ce secteur (comme médiateur, et comme formateur auprès des médiateurs médicaux et non médicaux des établissements depuis plusieurs années) nous permet d’identifier assez clairement aujourd’hui.

Elles sont de 3 ordres :

Un cadre législatif inadapté à nos yeux Une position des médiateurs médicaux et non médicaux délicate Une méconnaissance générale du dispositif par les protagonistes 

Le cadre législatif :

La Loi de 2002, modifiée par la Loi de 2016, prévoit la mise en place d’une commission des usagers (CdU) qui est amenée à prendre connaissance de l’ensemble des problèmes se produisant dans l’établissement entre patients/familles et la structure et/ou les professionnels de santé.

Le décret du 2 Mars 2005 prévoit la nomination par le chef d’établissement de :

2 médiateurs médicaux (1 titulaire et un suppléant) médecins travaillant dans la structure et saisis de problématiques médicales.

2 médiateurs non médicaux (1 titulaire et un suppléant), salariés de la structure saisis tous les autres sujets

    La demande peut venir  par le patient ou sa famille, le chef d’établissement, ou la CdU.

    Ils doivent organiser ensuite la médiation qui verra la rencontre ou non de l’ensemble des parties.

    Enfin cette médiation doit faire l’objet dans les 8 jours d’un compte rendu par le médiateur qui sera transmis à la CdU qui fera réponse au demandeur.

    La position des médiateurs médicaux et non médicaux

    Le premier point montre en creux les difficultés auxquelles sont confrontés les médiateurs désignés par le chef d’établissement, et qui mettent à mal tous les principes de la médiation et sur lesquels je ne m’étendrai pas, les lecteurs de cet article étant des médiateurs avertis…

    Mais il est difficile de faire preuve de neutralité, d’indépendance et d’impartialité, lorsque on est appelé à mettre en place une médiation sous le regard de la direction, des collègues concernés, de l’établissement dans lequel l’on travaille tous les jours et dont on connait le fonctionnement et les protagonistes.

    Autre difficulté pour les médecins (le texte l’impose au regard du fait de la nécessité (?) éventuelle d’accéder au dossier médical : être ramené à son rôle de sachant et donc d’expert.

    Car nombre de médiations sont menées aujourd’hui avec pour mission « d’expliquer » aux patients et familles ce qui est écrit dans le dossier médical pour une meilleure compréhension.

    Mais que faire quand en qualité de médecin ou soignant, impliqué dans le fonctionnement de la structure, avec des collègues que l’on retrouvera dans le service sitôt la médiation terminée… (s’ils ont accepté de venir) face à un patient ou sa famille qui demande des explications ?

    Voila les difficultés qu’évoquent les médiateurs médicaux et non médicaux que nous sensibilisons ou formons.

    En effet aujourd’hui ces médiateurs (qui pour beaucoup occupent cette fonction et cette mission sans en avoir fait la demande !), ne trouvent leur légitimité que dans la nomination par le chef d’établissement.

    Sans outils, sans méthode, sans cadre pour les accompagner et leur permettre de mener cette tache dans de bonnes conditions.

    La méconnaissance générale du dispositif

    Dernier élément de ce puzzle, des acteurs du processus (patients, familles, personnels médicaux et non médicaux, encadrement) qui n’ont aucune idée de ce qu’est la médiation (souvent confondue avec la conciliation, ou un entretien d’explicitation).

    Avec trois grandes attentes :

    Pour les patients et familles, « comprendre ce qui s’est passé » et faire en sorte que « cela ne se reproduise plus ». La présence d’un médiateur médecin (mais souvent plutôt médecin médiateur), les rassurent car ils attendent des explications voire la confirmation que le professionnel qui les a pris en charge a commis une erreur.

    Pour les personnels « mis en cause », une stratégie d’évitement ou de refus (« je n’ai rien à me reprocher, pourquoi devrais je venir m’expliquer en médiation ? »)

    Pour l’encadrement et la direction, régler cela au mieux en évitant l’escalade

    Des éléments que nous retrouvons tous dans notre activité de médiateur, et que nous avons été formés à  prendre en compte.

    L’ensemble de ces éléments explique probablement pourquoi la médiation en établissement de santé ne trouve que difficilement sa place en 2019.

    En effet, ce que tous les médiateurs construisent à chaque médiation, c’est-à-dire un cadre structurant, structuré, rassurant, respectant les règles fondamentales de la médiation (neutralité, indépendance, impartialité, confidentialité, écoute de toutes les parties…), n’existe pas ou peu, et rend l’exercice compliqué, en tous cas au sens ou les médiateurs formés le pratique.

    Avant d’évoquer les pistes possibles il me tient à cœur de souligner deux points : 

    Saluer ces médiateurs médicaux et non médicaux qui malgré les conditions continuent à essayer de mettre en place des médiations

    Dire que l’écoute des patients et des familles lors de difficultés rencontrées dans la prise en charge que se soit par téléphone, pat entretiens individuels ou autres, même s’il ne s’agit pas de médiation donne souvent de bons résultats et la plupart des professionnels de santé font cela au quotidien

    Il semble donc que deux axes doivent être travaillés :

    Le premièr porte sur l’amélioration ou l’organisation du système existant.

    Pour cela différentes solutions existent :

    Former de façon systématique les médiateurs nommés en intégrant les spécificités législatives et techniques actuelles (Ex : Formation du CMAP pour les professionnels de santé)

    Sensibiliser les différents acteurs du système de soins au rôle précis de la médiation (directeurs, présidents de CDU, présidents de CME, représentants des usagers) pour que celle-ci se fasse en respectant les fondamentaux appliqués par l’ensemble des médiateurs. Je citerai par exemple ici l’initiative de l’Agence régionale de santé PACA au travers de la plateforme AGORA SOCIAL CLUB (https://www.asc.paca.sante.fr) qui a créé un espace spécifique pour la médiation en établissement de santé, accessible à tous et qui met à disposition un ensemble de documents et d’échanges.

    Pratiquer quand cela est possible (par exemple dans les groupes ou regroupement de structures) de la médiation « croisée », permettant aux médiateurs d’intervenir dans d’autres établissements que le leur.

    Le second porte sur le changement de ce système :

    En effet, nous constatons lors de nos formations, que la conclusion est toujours la même : « c’est un métier, il faut qu’il soit pratiqué par des professionnels ! ».

    Il faut absolument que le législateur modifie les textes qui régissent ce processus, en permettant aux établissements de saisir et proposer l’intervention de médiateurs formés, extérieurs (ou ayant la garantie d’exercer leur mission en toute indépendance), qui mettront en place le cadre et les conditions indispensables à la réalisation de médiations.

    Ces changements paraissent indispensables pour que les professionnels de santé et les patients ou leur famille puissent en cas de difficulté trouver le bon interlocuteur et le bon espace.

    Retrouvez cet article dans son intégralité dans la revue INTERMEDIE d’Avril 2019

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